"Une seule échelle de cotations?"

L'escalade sportive Française repose sur trois échelles de cotation, falaise, bloc (souvent appelé " fb " car provenant de Fontainebleau) et traversée (" fbtr ").

La cotation falaise est la moins sévère, puis celle de traversée et enfin celle de bloc (un 7a bloc est plus dur qu'un 7a falaise, ou en tout cas réclamera beaucoup plus de force).
Ce triple système de cotation, dont il serait intéressant de voir les origines, se fonde sur le principe que l'escalade compte des formes d'efforts très différents, et qu'à chaque type de dépense physique doit correspondre une cotation adaptée.

Ainsi, le bloc qui imposait un effort court et violent ne pouvait être évalué de la même façon qu'une voie dont l'effort est plus long et résistant.
Mais, ces justifications semblent de plus en plus inadaptées à la situation actuelle.

Les années 90 sont synonyme d'explosion des cotations en bloc puisqu'on est passé du 8a au 8c, alors qu'en falaise, la difficulté semble stagner à 9a (outre l'exception d'Akira, 9b non confirmé), chiffre déjà atteint et confirmé par Güllich en 1991 (Action Direct), les 9a s'étant néanmoins banalisés sinon multipliés ces deux dernières années.

Mais si l'on se penche de plus près à ces les blocs extrêmes, la majorité ne sont pas si courts que ça, il atteigne souvent une dizaine de mouvements voire plus.
En fait, si les blocs sont de plus en plus durs, ils deviennent souvent de plus en plus longs.
Le premier 8a de la forêt "C'était demain", apparemment aujourd'hui décoté, est remarquable par la brièveté de son effort, alors que maintenant il est monnaie courante de trouver des blocs extrêmes d'une bonne quinzaine de mouvements.
Les derniers exemples en date sont : Eaux Profondes (Fred Nicole avait d'ailleurs proposé trois cotations, de 8b+ fb à 9a+ falaise, pour ce bloc à l'effort relativement long. Cela démontre bien l'interchangeabilité des cotations), Dreamtime, supposé premier 8c bloc au monde qui compte plus d'une vingtaine de mouvements (Pourquoi Nicole n'a pas proposé une cotation voie comme pour Eaux Profondes ?), ou The Maxx, le dernier 8b+ branché de Bleau qui est une combinaison résistante entre plusieurs itinéraires.
En fait, de nombreux blocs comptent beaucoup plus de mouvements que des voies. Midnight Lightning et de nombreux autres blocs du Yosemite (à l'exception de Dominator lui très court) atteignent plusieurs mètres, et en un autre lieu (l'Alsace par exemple), ils auraient été équipés et bénéficieraient d'une cotation falaise.

Qui plus est, il est tout à fait possible de coter un effort court typé bloc avec une cotation falaise, cela a souvent été fait : Le Plafond, Le toit d'Auguste, La voie rêvée des anges, ces trois courtes voies en 8b+ sont toutes réputées de " force ", d'un effort comparable à celui d'un bloc.
Il en est de même pour de nombreuses voies en Angleterre (Raven's Tor compte deux exemples célèbres de voies cotées falaise alors qu'elles sont ultra puissantes, Hubble en 8c+, et Révélations en 8a+) ou dans le Frankenjura (Stone Love en 8b+, Wall Street en 8c, dont la section dure est relativement courte) et en Alsace (Mythomane, un 8a+ qui compte deux mouvements durs, ou L'art, 8b, qui en compte 5).

Et l'argument de la corde et des mousquetonnages semble désormais obsolète puisque des voies se gravissent sans corde (toute la première partie d'Akira) et avec de plus en plus de points prémousquetonnés (au Saussois par exemple), et, inversement, des blocs se grimpent avec corde (Pourquoi, dans ces conditions, After Midnight au Yosemite continue à être coté en bloc ?).

Et que dire des cotations " traversée ", car juger de la latéralité d'un mouvement relève souvent de critères subjectifs : ou commence la traversée, ou finit la montée ? on trouve des exemples du peu de justesse qui entoure ces problèmes avec Le Culte de la Poutre. Cette traversée du Waldeck (Vosges du Nord) fut d'abord côté 8a+ falaise, puis 7b+ bloc, et finalement chacun lui attribue son mode de cotation qu'il estime le plus.

Autant dire que c'est la confusion la plus totale qui règne autour des voies dures et du type de cotations qu'elles doivent avoir.
Bien souvent le choix de celle-ci est arbitraire, et dépend du bon vouloir du grimpeur et de sa spécialité.
Ce désordre dessert bien évidemment la haute difficulté, hésitant entre trois modes de cotation alors qu'il serait possible de n'en utiliser qu'un seul.

Apprécier de la difficulté d'une voie ou d'un bloc est une entreprise déjà bien assez périlleuse : pourquoi s'entêter à la complexifier davantage ?

Merci à Thomas Leleu.

Florent Wolff