"La glace est de papier"

De nombreux sites Internet et des magazines spécialisés se mettent à proposer des dossiers " spécial glace " ainsi que de denses comptes-rendus de compétitions.
On peut d'ailleurs regretter que cette médiatisation passe une fois de plus par le biais de la compétition, comme l'escalade sportive au milieu des années 80, où l'apparition des compétitions avait favorisé la construction de l'image de la discipline auprès d'un public élargi.
C'est donc les épreuves de la Coupe du Monde de Glace qui, cette année, prennent une dimension médiatique remarquable.
On peut y déceler plusieurs raisons.

Déjà, on constate que ce phénomène est avant tout national, entendez franco-français (dans le magazine allemand Rotpunkt de Janvier Février 2001, on ne trouve pas une seule page consacrée à la glace alors que le Grimper n°50 compte une bonne vingtaine de pages sur cette pratique).
Par ailleurs, on remarque que les compétiteurs français, cette année tout particulièrement, obtiennent de bons résultats dans cette fameuse Coupe du Monde de Glace.
Est-ce donc par pur chauvinisme qu'on parlerait de glace en France?
En escalade sportive, les compétiteurs français ne raflaient plus systématiquement les premières places et des ténors reconnus passaient au second plan (François Legrand et Petit par exemple), la concurrence internationale se montrant plus féroce.
Médiatiser des épreuves de glace qui réussissent permet donc de vanter des mérites largement patriotiques, de faire revivre cette splendeur passée, mais également de redorer l'image de grimpeurs " en déclin " ou à l'arrêt.
Ainsi, François Lombard ne participe plus aux compétitions d'escalade au profit des épreuves de glace, et ce, avec une indéniable réussite (plus facile de briller sur la glace que sur la résine, selon les dires de nombreux compétiteurs).
Au même titre que l'on évoque davantage le Hand-Ball après un titre de champion du monde, la glace réussit aux Français et à des grimpeurs un tant soit peu oubliés (Lamiche, Lombard), soit deux bons prétextes à garnir les pages des magazines spécialisés de celle-ci.

D'autre part, les compétiteurs de haut niveau prennent de plus en plus leurs images en main, avec une démarche de plus en plus professionnelle.
Ce souci se manifeste par une volonté de voir leurs noms apparaître avec régularité dans les magazines.
Or, la compétition d'escalade connaît une trêve hivernale assez longue, ce qui est incompatible avec une médiatisation persistante.
Certains choisissent la falaise, d'autres des longues voies hypothétiquement dures (dans le dernier Vertical Roc, on trouve trois pages sur la voie de l'équipe d'Arnaud Petit au Wadi-Rum, en 6c obligatoire sur spits...Un authentique exploit ! !).
D'autres choisissent la compétition de glace qui, ô miracle, comble la période du vide d'épreuves en escalade.
Ainsi, Liv Sansoz se dévoile hyper polyvalente et s'offre le luxe de squatter avec assiduité un papier aussi glacé que la discipline dans laquelle elle excelle.
Les mauvaises langues diront qu'elle a enfin trouvé une compétition où l'on peut grimper en moulinette... D'autres y verront un outil de se " retrouver financièrement en augmentant ses revenus de 5 à 10 % avec peu d'investissement en terme d'entraînement " (Daniel Dulac).

Enfin, du point des vue des médias même, la glace représente une aubaine journalistique.
Les magazines français qui éprouvent de plus en plus de difficultés à parler d'autres chose que de la compétition (je renvoie au commentaire sur le Grimper n°50) se retrouvent avec des sujets faciles (type " compte-rendu ") dans une période où ils en manquent cruellement (toujours cette trêve si redoutée).
Outre cette fonction de remplissage, comme pour les compétiteurs avec des sponsors et des primes supplémentaires, on retrouve ce même intérêt financier évident.
Traiter largement de la discipline glaciaire permet de toucher un plus large public (augmentation des ventes) et de récolter davantage d'annonceurs (dans le Grimper n°50, douze publicités rien que pour la cascade de glace, contre sept pour l'escalade proprement dite -prises, chaussons, ...-).

Avec la fin de Roc'n Wall et son union avec Vertical ainsi que l'extrême polyvalence de Grimper, n'assistons-nous pas à la mort des magazines spécialisés d'escalade ?

Florent Wolff